mardi 26 mars 2024

Clogs 2003

 


Près du Butin ensablé, la Seine s’emmanche. Du laiteux mou s’engouffre dans l’albâtre. La Manche n‘a que faire de l’océan, ici le bras l'agrippe. Plus haut sur la côte de Grâce, à coup cassé, les 24 cloches retentissent.

Le plissé de l'arrière pays en dit long sur l’humeur des nacres et du crachin. Le carillon comme un phare s’époumone. Sous le pont les navires n'entendent pas. Ils pataugent lourds et longent le grondement sourd des dockers juste en face. Dessus, les bahuts y vont et en reviennent. Je regarde cette huile beige épaisse et me demande bien ce qu’il peut y avoir comme poisson dedans, le taux de sel est la frontière. Quelles épaves aussi, englouties dans ce café crème. Plus en aval, le va-et-vient des remous comme une hésitation. Le sel ou le doux. Il doit bien avoir un endroit précis où l’équilibre est tenu.

La marée fait son lit, les berges attendent. Face au large, la vase du Butin respire une fois sur deux. Les bras de mer me fascinent. Celui-là crayeux et visqueux engloutit mes pensées. Toujours les mêmes tentatives de pénétration, puis cette même démission. L'afflux se gonfle et se dégonfle comme une molle respiration. Si le bras vient purger toute l’eau de l’homme, l'eau de mer pleure et prend tout. Lent débit des veines. Elle en déveine sans cesse tente de repousser et recrache.


Émeraude, Opale, Albâtre .. la côte Padma Newsome, Bryce Dessner, Rachael Elliott and Thomas Kozumplik, les Clogs révolus, des petites symphonies de poche en tableaux sonores. Ils composent cet accouplement des eaux, alangui et perpétuel. J'ai l'iode et l'humus sur mon museau.


Clogs 2003 « Lullaby for Sue » sur Brassland.

jeudi 21 mars 2024

Oisin Leech 2024


 

Pas de Camélia maquillant le granit, ni d'ajonc salé dorant les corniches, ici les candélabres jaunes jaillissent un à un du sol vert bouteille dégorgé.

Chaque année l'opéra des crucifères des plaines me mettent en contemplation. La moutarde monte au nez des champs, le jaune colza donne le coup d'envoi du grand débourrage. Tout sourde et tremble, l'impatience des cellules a pris fin. Hors l'humain dit-on, tout tend à se reproduire. Et des tableaux s'étalent des pieds à l'horizon, tout jute. La pochette de cet album est un nouveau réconfort pour mon cerveau.


Les cordes sont sorties, les ciels changent à chaque seconde, tout se charge d'ambition et un voile de délicatesse voltige sur le chant d'Oisin Leech. Drake et Jurado convoqués. Si les couleurs primaires prennent doucement le pouvoir, « Cold Sea » en songe folk acoustique embellit chaque lueur respirée. Oisin n'est pas tout seul pour faire fleurir ses mélodies. Steve Gunn et M.Ward accompagnent.


De grands verts tendres traversent la lumière, des nuances de rouge dansent avec le cadmium, le bleu est partout. Dehors rutilant, des nids se bedonnent, et le bal des insectes est ouvert. « Cold Sea » des contrées irlandaises est venu dans une merveilleuse coïncidence chanter les premiers colza et la fin de mes pages des fées de Tesson.


Oisin Leech 2024 « Cold Sea » sur Outside Music

jeudi 14 mars 2024

Windsor for the Derby 2002


 

Des jours entiers que le ciel nous tombe sur la tète. Je suis imbibé, le cerveau moisi et les articulations en mouillettes. Tempéré !! mes plaines en terre d’Écosse, le désertique après demain.

Ceci dit, après des brouettes d'heures à voir dégringoler des cordes raides, la fin d'après midi se dégage, éclairant du coup les heures les plus belles d'un printemps hypothétique. L'envie de me mettre bien du coup, et de me fondre dans cette pâle lumière féconde, peut-être la nuit sera un autre déluge.

J'ai sous le coude, un album sorti pour l'occasion. Et je pense à mon ami éclairé Le Toine tapi dans ses guet-apens fous et passionnés et qui dégaine son Magic ! à la moindre occase. Cette pop moderne en lecture que moi j'ai lâché depuis qu'ils ont quitté les promontoires.

Sans rien connaître de Dan Matz à l'époque, j'ai embarqué cet album sans réfléchir. Quelques longs temps après, il s'est incrusté. Pas emballé aux premières écoutes donc, je l'ai mis de côté à plusieurs reprises, sans pour autant boycotter son CV artistique. Birtdwathcher, puis son incursion chez Young Gods Records, ses albums solo et le sublime «Carry me over », celui-là j'ai ramé pour l'avoir. J'ai fouillé, biné, pris du recul, tout mangé, j'ai gravité autour de ce lancinant et doux disque que je ressors depuis comme un trésor, une retrouvaille. Il me reste certes la madeleine d'une certaine bouderie, mais la peau burinée des ages accumulés, je le trouve indispensable et fascinant. « The Same » et son injection vénale d'une percée molle ensoleillée entre deux masses de gris intense menaçant.

Du flou dans mes idées alors que dehors la myopie semble se dissiper. La brume se lève, la pochette familière respire.

Pas de refrain, une peinture, « Now I know the sea ».. « Emotional Rescue » pierreux pour les moteurs de recherche et un rythme qui s'accélère. Et que dire de « Fall of 68 »...

Des ondes asiatiques que je m'explique pas, des boucles, 2002..la grande époque de plein de choses, revival ou pas. J'avais du Low, Notwist et Arab Strap en découverte plein la tète. Celui-là je me le suis laissé de côté pour mieux l’apprécier plus tard, ou plutôt le chérir enfin, maintenant.


La pluie a cessé, j'écoute un vieux Windsor en feuilletant le numéro 62 du Magic ! de juin 2002. Focus sur Piano Magic, Faultline, Sonic Youth ou Avril.. le disque du mois : « The Emotional Rescue LP »


Windsor for the Derby 2002 « The Emotional Rescue LP» sur Aesthetics

jeudi 7 mars 2024

Yann Tiersen 1999

 


Des flots de café au lait ont envahi tous les cours d'eau. Les sous-bois sans-soif prennent leur part. Plus haut, là où ça capte, la horde d’hypnotisés rêvent d'un autre monde, les crétins digitaux déambulent dans le tintamarre.

Sur le cobalt, de grosses meringues flottent au dessus des arbres sans feuilles. L'horizon s'assombrit.

Clapotis laiteux, mes pas dans la terre grasse, ici tout est calme.


Sublime petit album rempli de monde.


Yann Tiersen 1999 « (Tout est calme) » sur Label


dimanche 3 mars 2024

Melanie De Biasio - 2023

 


Au fil des couleurs, une obsession, une en conducteur.

Ça a commencé avec la maison de Bill, crépi fraise avec une idée de chair à vif cuite par le soleil. L’inconscient tapé de teinte, une idée comme ça surgit, c'est pas la première fois ce déclic. Et tout s’enchaîne. L'intérieur pochette de Marion Rampal était rouge lumière nuancé, l'inconscient faisait son chemin. My Bloddy Valenine, mes tubes de couleurs, j'ai dû en rêver.

Au détour des berges du canal Louis XIV juste en bas de chez moi j'ai vu avec intensité des cognassiers du Japon, rives empourprées. Rien pour arranger mon obsession du moment. Rétine impactée.


Juste avant d'entamer ce week-end de printemps biologique, j'ai embarqué sans réfléchir le dernier opus de Mélanie De Biassio. Je la connais, « No Deal » et « Lilies », ses ensorcellements. Souvent passé devant cet opus pourtant, et ce geste précis sans réfléchir, je le prends sans regarder, cette pochette bourguignonne.

L'émotion fut la même. Ce rouge laiteux enferme la lumière, la retient, la dévoile en pâle nuage comme un souffle de lèvres fiévreuses.

Mélanie ? Elle dépose à travers ce double album improbable, le chemin migratoire et ses origines, de l'Italie ses racines vers la Belgique son identité civile. C'est troublant, introspectif, expérimental, une épopée que l'on suit, l'histoire des siens susurrée. C'est un paysage sonore planant avec sa sensualité, son émotion. Des clichés murmurés, des étendues à peine chantées, « Il Viaggio » embarque, tout sauf commercial, on pourrait lire son histoire, l'écouter et se laisser happer. Enivrant comme un post-rock de bruyère, une belle Hellébore de chair pourpre Mazzy Star .

C'est un beau voyage.




Melanie De Biasio 2023 « Il Viaggio »

jeudi 29 février 2024

Marion Rampal 2024


 

Elle tombera amoureuse de moi un jour, c'est pas possible autrement. Ou alors l'amour gerbé sert à que dalle.

Je le sais, c'est chanté, quitte à qu'on me l'avoue sur mon lit de mort, l'aveu pour mettre un terme à ses douteuses respirations. Les chœurs au fond, le chant à s'y perdre, toutes ces mélodies qui planent, les douces notes de piano comme des baisers discrets en rafales de petits oiseaux volages... c'est de la petite bière peut-être ?

Je n'ai pas couvert ma toile de lin avec du orange vif et du rouge lumière pour rien quand même. Le Prunus lui aussi s'est fardé du même rouge juste par delà de notre chambranle.

Cette touche de cramoisie n'a rien à voir avec mes doutes, c'est juste ma mélancolie empierrée, celle que tu connais pourtant. Tu peignais tes ongles ainsi, tes paupières pas loin, moi j'étais cramoisi. Tu le sais pourtant, que je ne suis pas My Bloody Valentine plus que ça, c'est une coïncidence. Le Shoegaze me fout dans le gaze, moi je voulais juste peindre le bout de tes mains. Te dire que je te longe malgré toi, mais tu ne vois rien.


Personne ne capte que dalle, c'est pas faute de hurler à la mort, d'où elle sort la Marion qui me trouble les artères depuis quelques jours ? Ça tangue au bord, je veux bien danser tous les dimanches, un de ces dimanche de tendre jazz folk chanté avec des mots d'ici, des canards, des zoiseaux, des constellations.. « Tangobor » me tue.

Je rumine tout bas plein de petites choses, entre les taies j'ai mêlé en boule nos pyjamas si jamais on se faisait cambrioler, il y aura flagrant des lits. Il y aura des traces absolument partout, comme cette musique que je badigeonne dans l'air. 


J'écoute en boucle Marion et je peins comme on change de vie, de palette. Matthis Pascaud à la guitare dans la plus lumineuse des délicatesse, aux manettes aussi. C'est une recette merveilleuse.

Je regarde son parcours, je visite, j'écoute avec intensité et insistance, peut-être vais-je rendre jaloux. Il y a quelques joyaux qui sortent en ce moment, je le garde près de moi adossé à la Cabane brûlée. Les rivières souterraines pour ne rien arranger. 

 



Marion Rampal 2024 « Oizel » sur Les Rivières Souterraines.

vendredi 16 février 2024

Nick Wheeldon 2024


 

Nick à pleurer, et tout commence dans un chant de douleur.

Le premier pas dans ce jour nouveau à peine allumé est tout chargé de pas grand chose. Il fallait bien cette grâce sidérante au bord du désespoir pour en mettre un de plus. Comment c'est possible de telles sublimes aurores, de douces ténèbres à peine essuyées soutenant les lourdes premières gorgées d'air. Moi qui voulais jouer les traînes-savates, c'est gagné, je vais rester ainsi à danser sans toucher le sol, éviter les tuiles essentielles.

Chaque chanson est une nouvelle louchée de larmes, « Waiting for the Piano to Fall » me tient par les baloches. Aucune trêve, jusqu'au bout ce disque me fige et « Gift » sonne encore dans mon crane.

Hymne des matins miraculeux, le fantastique dehors des paysages qui se dévoilent, je vous assure qu'il est possible de ne faire qu'écouter et contempler. Emballement des émotions, trémolo dans la voix, mélodies lacrymales, je vois des douleurs, des blessures et milles rayons de soleil. Le pou effiloché, prisonnier des routines je dévore la fragilité.


Les nacres ont disparus, quelques ombres font de timides apparitions, seul un merle semble jouer avec. J'entends un nuage de passereaux sans les voir, à quelques pâté de fossés d'ici la nuée cherche un lopin de champs pour affronter le vent toujours pas levé. Deux nuages rosis sortent de la brume, va pas faire un temps radieux aujourd'hui. Peut-être que le ciel aussi écoute cette musique qui enchante mon matin.


Nick Wheeldon 2024 « Waiting for the Piano to Fall » sur Modular ecords

Clogs 2003

  Près du Butin ensablé, la Seine s’emmanche. Du laiteux mou s’engouffre dans l’albâtre. La Manche n‘a que faire de l’océan, ici le bras l&...